"À
l'espace Cardin, le 17 janvier, ce fût pour moi une révélation. Un
jeune artiste-peintre ne se préoccupait que de la peinture, de ses
pouvoirs et de ses sortilèges pour offrir à ceux qui la regarderaient
cette étrange sensation que l'on croyait oubliée, celle de la
délectation ! Je préfère ici lui laisser longuement la parole pour que
l'on comprenne sa démarche. « À partir de la notion de paysage, j'ai
tenté de rendre des atmosphères avoisinant l'abstraction en réalisant
d'abord des « trous noirs » où la trace du geste est plus manifeste. J'ai
ensuite minimisé celle-ci afin que les étendues de couleur s'épanchent
dans la douceur, au profit de la clarté et de l'équilibre de la
composition, le paysage étant réduit à son expression la plus
élémentaire. Un format vertical plus en adéquation avec les proportions
du corps a été privilégié. Stable et hiératique, il vient « rythmer » un
espace d'accrochage allongé ; il est propice à la mise en place d'un jeu
d'interpénétration entre deux masses de couleur diffuses ; celles-ci
entrent davantage en contradiction avec l'orthogonalité du tableau et de
l'espace d'accrochage. Le tableau est le résultat d'une longue
répétition de gestes qui le rend chargé de matière, de façon à ce que de
l'accumulation des couches de peinture naisse une intériorité qui parle
d'un désir d'être habité, imprégné par le paysage, sans pour autant
traiter d'un lieu précis ; c'est pourquoi à cette présence physique de la
peinture doit répondre la recherche d'une simplicité en matière de
composition. »
Cela donne envie d'y aller voir de plus près, n'est-ce pas ? Pour ma
part, je retrouve dans ces propos de peintre la même tonalité que dans
le témoignage - verbal celui-là - de la grande Joan Mitchell quand elle
voulait m'aider à entrer dans le mystère de sa peinture, malgré son
français incertain, il y a bien longtemps. En tout cas, je suis certain
que l'Américaine adopterait aujourd'hui Denis Christophel comme un fils
spirituel. Leurs tableaux ne sont pas comparables, mais ce qu'ils
réussissent à faire dire à la peinture est du même ordre."
Jean-Luc Chalumeau, Visuelimage, Lettre Hebdomadaire du 23/01/2014.